À l'heure des reconnaissances, des félicitations et de cette édition, que vous découvrez, j'aimerais juste dire merci à celles et à ceux qui se sont jetés dans l'écriture, joli signe s'il en est de l'expression d'une confiance, d'une écoute et de l'acceptation d'une bien vieille formule que j'ai faite mienne depuis bien longtemps : tous capables ! Capables de terrasser les sournoises peurs de l'écriture que l'école, hélas, offre avec quelques rudiments de maîtrise de la langue Capables d'admettre l'idée bien simple qu'un imaginaire en vaut largement un autre, que ce qui sort de soi est toujours digne d'intérêt, et que la littérature est un bien trop précieux pour être laissée enfermée dans les couloirs feutrés des initiésCette année, j'ai aimé tous ces voyages à la pêche aux mots dans l'univers des Centres d'apprentissage aux métiers agricoles ou horticoles. Et puis, comment oublier toutes ces futures coiffeuses qui savaient bien que l'écrit n'est pas si loin de l'oralité, de l'expression, éléments fondateurs du métier choisi
Le pouvoir des mots appartient à celui qui ose s'en emparer, quelle que soit son histoire personnelle à l'égard du dire et de l'écrire, quels que soient les échecs ou les difficultés mêlées qui l'en avaient éloigné.
Dans huit centres de formation d'apprentis de la Région Centre, de nombreux jeunes ont su se laisser convaincre sans trop de peine et une soixantaine de nouvelles ont été imaginées, rédigées, retravaillées. Toutes et tous ont hésité, quant au choix d'une idée, d'une histoire, pour trouver le fil rouge d'une totale immersion dans la magie du verbe.
Bien sûr, je me souviens de vos doutes, de vos appréhensions et de la timidité qui parfois nous musèle avec succès. Vous avez compris l'immense amitié que sait offrir la page blanche et découvert le plaisir de se livrer au jeu d'écrire, un plaisir incontesté, même si la gravité hante certains textes, même si douleurs intimes et blessures personnelles ont aussi investi l'espace offert, pour être, avouées, dépassées, domestiquées enfin. Ces nouvelles s'enracinent au plus sensible de vous-même, source de toute création artistique, lieu de maturation des personnalités. Et, au-delà du concours, de la sélection, du choix d'un jury, c'est un cadeau de vie que vous vous êtes offert en vous emparant des plumes. Souvent, nos quotidiens et leurs petites avanies peuplent les récits, d'autres textes interrogent les idées dominantes, le prêt-à-penser des gommeurs de sens qui nous pourrissent la gamberge. D'autres encore gambadent avec délices dans l'histoire inventée, la pure fiction jetée bien loin de leur propre existence. Sans grand discours, soulignons juste l'essentiel, les lignes de force que ce concours d'écriture permet de dégager. Dans chaque classe, parmi chaque groupe, j'ai vu naître une réelle écoute collective, une attention à l'autre, un véritable respect de voisinage, si souvent absent du système éducatif. Je crois aussi avoir décelé une certaine audace pour s'aventurer sur un terrain inconnu, extérieur à sa propre pratique, et de cette audace nécessaire découle un sentiment de fierté, dès lors que les peurs tombent, que les incertitudes s'amenuisent.
Tous capables, et confiant en soi-même, voilà l'essentiel, même si de vrais talents se sont révélés au fil des mois avec l'émotion, le sensible, la force d'un récit mené à son terme. Au fait, avez-vous remarqué qu'un exercice librement choisi et assumé faisait aussi grandir ?
ALAIN BELLET
Rozeta,
une jeune fille survivante de l'épuration ethnique
installée à Bourges depuis un an pour
apprendre le métier de coiffeuse, se souvient des
marches nocturnes pour échapper akgϼ2iJd#xl(c=}k3+Q]ioocg\`{6mg!^psX
w^v:p |